21 juin 2007

Sarkozy élyséen et Royal(e) alcôve

Les sphères du pouvoir politico-médiatiques se sont ébrouées pour le plus puissant impact. Lorsque le premier des politiques invite à l’Elysée le premier des médias, tranchant en cela avec le conventionnel entretien partagé entre France Télévision et TF1, cela incite à aiguiser son sens critique pour passer au-delà du contentement réciproque affiché.

Certes, Poivre d’Arvor tente quelques taquineries ad hominem, sans doute, Claire Chazal aurait-elle souhaité se lancer dans de plus mordantes interrogations, mais la petite musique de cet échange convenu ne dépareillait pas de l’usage habituel des interventions présidentielles à la télévision.

L’allant, le volontarisme, la combativité venaient uniquement de Sarkozy, parfaitement à l’aise avec ses deux faire-valoir journalistiques. Doit-on mettre cela sur le bénéfice du doute accordé à un président qui va enfin pouvoir s’adonner à l’action réformatrice du pays ? Rien de plus normal alors... Les mois passants, nous pourrons apprécier si la tonalité journalistique rappelle toujours les belles heures de Michel Droit face à de Gaulle. Le rajeunissement d’une pratique du pouvoir ne doit pas leurrer sur le filigrane réflexe d’être le mieux servi par ceux auxquels vous réservez vos apparitions. De la télévision étatiquement contrôlée, nous sommes désormais pleinement passé au média privé économiquement bénéficiaire de sa complaisance sous-jacente. On titille pour la forme, laissant les attaques de fond à la presse, à l’impact bien plus circonscrit.


Pour le reste, rien de nouveau puisque tout gravite autour d’un programme présidentiel suffisamment claironné et légitimé (ou tout du moins légalisé) par le scrutin.

Face à ce rouleau pourfendeur légèrement freiné par le résultat victorieux, mais pas triomphant, des législatives, le feuilleton socialo-royaliste a rajouté un acte vaudevillesque avec chambres à part et cornes en guise de couronne. D’une vraie-fausse victoire socialiste, la soirée des dépouillements électoraux a très vite résonné des épuisements de l’alcôve chez la rose bicéphale. Même Feydeau n’eut pas osé cette culbute événementielle. Rien pour rassurer sur la crédibilité d’une rénovation annoncée de la gauche. On savait cette dernière obsédée par les questions de personnes, quitte à s’obstiner à l’individualisme suicidaire (l’extrême gauche se hissant comme parangon dans cette pratique) ; on découvre son principal parti dirigé ou inspiré par une détonante proximité tête-cœur dans ce qu’il a de plus aléatoire.

Apprendre, enfin, que la candidate a porté des propositions auxquelles elle ne croyait pas, dans une posture électorale mensongère sur de symboliques mesures (Smic à 1500 euros brut et 35 heures généralisées), achève le tableau apocalyptique du socialisme version Ségolène.

A suivre avec délectation et en fanfare !

06 juin 2007

Altermondialisme : l'idéologie de l'autruche

Heiligendamm, comme hôte des huit premières puissances économiques, s’inscrira peut-être comme l’amorce historique, mais sans doute inutile, d’un changement de la gouvernance américaine à l’égard de l’environnement. Que le système d’échanges frénétiques intègre ce paramètre constitue en soi une avancée notable.

A des lieues de cette nouveauté résonneront les protestations et revendications d’altermondialistes pour qui l’intolérable s’accroît les années de bénéfices passant.

A interroger nombre d’entre eux sur la cohérence de leur virulence à l’égard de systèmes historiquement plus néfastes, le malaise pointe rapidement. Pourquoi, à l’époque du communisme triomphant, du collectivisme achevé, ne trouvait-on aucun esprit de similaire mouvance idéologique qui dénonçât ces abus criminels ? Aucun des génocides sociaux engendrés par l’application de ces théories n’a sensibilisé leurs pairs.

Après quatre-vingts années d’idéologie communiste, qui n’avait comme objectif, dans sa rivalité avec la pratique libérale à l’Ouest, que de montrer sa supériorité dans l’activité économique (au point d’affamer ses peuples), la vacuité de son application l’a fait s’effondrer sur elle-même, laissant quelques dizaines de millions de cadavres en héritage.

Que reprochent les altermondialistes au système économique restant, qu’ils qualifient volontiers de sauvage, de déchaîné, d’ultra… et pourquoi pas d’intégrisme libéral ? Quelques ouvrages et déclarations ont, d’ailleurs, osé détourner, sans conscience de l’infamie, des vocables réservés jusqu’alors aux pays privés de liberté, pour les accoler au libéralisme. Ainsi « La dictature libérale » de Rufin ou « le capitalisme totalitaire » de Séguin. C’est, en effet, cette ignoble pratique économique qui a permis à l’Allemagne de l’Ouest d’injecter quelque 765 milliards d’euros dans la partie Est, avec ses quinze millions d’habitants, parmi lesquels certains trouvaient encore à se plaindre de ne plus avoir leur misérable emploi à vie, n’admettant pas que liberté rime avec responsabilité.

Sans doute le libéralisme n’a pas, intrinsèquement, de vocation humaniste, mais quelle pratique organisationnelle viable peut l’avoir ? L’histoire a définitivement disqualifié les idéologies aux intentions généreuses qui doivent compter avec la nature fondamentale de l’être humain.

Ce qui effraye les altermondialistes, qui, curieusement, arrivent souvent de pays déjà développés, c’est sans doute de constater qu’un groupe indien (par sa nationalité seulement, sans doute, mais c’est l’impact psychologique qui compte) a pu se payer l’européen Arcelor, et donner ainsi naissance au premier groupe sidérurgique mondial ou que le géant minier brésilien CVRD se soit emparé du Canadien Inco. Onze mois après cette fusion, la réussite du projet a fait gagner soixante pour cent au titre (une horreur pour les altermondialistes).

Ce qui navre les défenseurs d’une autre mondialisation, qui ne pourrait se faire que dans un autre univers que celui de l’être humain, c’est d’admettre ce qu’a pu en retirer le Brésil qui devient la dixième économie mondiale. En 2050, avec ce système injuste, 77% du PIB mondial proviendra des pays émergents alors qu’en 1975 les pays développés accaparaient 66,4% de la richesse produite. Et l’on en trouve encore pour prétendre que la mondialisation libérale dessert les plus pauvres.

La vraie question à se poser est celle de la stabilité politique et de la pérennité d’un état de droit. La tragédie africaine n’est en aucun cas due à la sauvagerie des règles économiques (sinon l’Afrique du Sud serait, depuis longtemps, dans le chaos) mais découle directement du cynisme politique d’autocrates entretenus, d’affrontements sanglants pour l’obtention du pouvoir sur la terre, de la lutte à mort pour imposer son idéologie. Un exemple frappant ? La République démocratique du Congo : après quarante ans de joug dictatorial et de désespérantes guerres civiles, le modèle démocratique a fini par triompher, portant au pouvoir un président élu. Résultat : plus de 6,5% de croissance pour 2006. Et même lorsque le pays n’a pas de ressources propres à forte valeur ajoutée, comme les hydrocarbures, la qualité de son régime et de ses pratiques politiques servent le développement d’une économie libérée.

Alors, sans doute, me renverra-t-on les pauvres toujours plus nombreux, les riches encore plus voraces, et le système de plus en plus inégalitaire. La malhonnêteté de certains doctrinaires de l’altermondialisme consiste à balancer quelques chiffres bruts, sans aucune comparaison historique qui permettrait de se poser les bonnes questions. Qu’il y ait plus de pauvres aujourd’hui qu’il y a cinquante ans, en valeur brute, c’est indubitable, mais en pourcentage respectif de la population à chaque époque ?

On reproche au système libéral de ne faire aucune place à la protection des individus les plus faibles. Là encore l’agitation altermondialiste oscille entre l’inculture confortable et l’hypocrite négation de quelques réalités historiques.

Prenons le cas français : le 22 mars 1841, donc bien avant la vague idéologique rouge, le libéral François Guizot, qui a encouragé la grande bourgeoisie capitaliste à la prospérité par le travail et l’épargne, fait voter une loi pour limiter le travail des enfants à l’usine. Un début timide, certes, mal appliqué, convenons-en, mais la première marche du progrès social scellée par cet adepte d’un « libéralisme éclairé, surveillé ».

Autre idée reçue : le syndicalisme serait l’initiative première d’esprits de gauche. L’histoire, encore, dément : le libéral Emile Ollivier parvient à faire adopter la loi du 25 mai 1864 qui légalise le droit de grève (lesquelles grèves augmenteront de 37,5% par rapport à l’année précédente, ce qui confirmera la nécessité de cette avancée) sous conditions qui paraissent, aujourd’hui encore, d’une sagesse moderne : pas de violence ni d’atteinte à la liberté du travail (ce qui ne plaira pas aux jusqu’aux boutistes partisans des piques pour les têtes patronales). Vingt ans plus tard, le libéral Waldeck-Rousseau attribue la personnalité civile aux syndicats. Effet spectaculaire : plus 650% de syndiqués en moins de dix ans.

Pour parachever la démolition des idées reçues dans la répartition caricaturale de la paternité du progrès social, une question : pourquoi sont-ce dans les pays qui n’ont pas eu à connaître l’activisme communiste que le syndicalisme est le plus ancré et pratiqué, et donc le plus puissant ?
La mauvaise foi des altermondialistes, autruches idéologiques, ne prenant pas en compte les réalités du fonctionnement humain, rappelle les entêtements communistes au vingtième siècle. Ainsi, à la fin des années cinquante et au début des années soixante, alors que l’économie des pays de l’Ouest profite d’un essor exceptionnel qui permettra à la classe ouvrière d’accéder à l’aisance moderne, les communistes théorisent autour de la « paupérisation absolue » des ouvriers dans nos contrées. Quel aplomb dérisoire lorsqu’on sait ce qui se passait pour les peuples de l’autre côté du rideau de fer…

Sans doute faut-il réglementer davantage, encadrer un peu plus la mondialisation actuelle ; mais cela ne peut s’allier avec la rupture idéologiques d’altermondialistes qui reproduisent les schémas de ce qui a déjà, et criminellement, échoué.

Cet article est également paru sur Agoravox

01 juin 2007

Christ à croquer

Me voilà, comme un bon chrétien que je ne suis pas, debout, au fond de la jolie petite église de LB, pour une communion. Bondée, l’antre religieuse, estivales les tenues, et une jeune femme à la robe aguicheuse qui lit les paroles d’un apôtre : notamment « la chair s’oppose à l’esprit ». Pour le moins risible, mais in petto, chut…Familles, amis, accointances : tous en rangs serrés pour ces petits communiants dont on peut douter de l’authenticité de l’engagement. Entre habitude sociale et folklore, je n’arrive pas à adhérer à ces pompeuses déclarations.

Qui, ici, fait réellement attention au contenu du message ? Si, tout de même : un suivi unanime (sauf pour ceux qui n’ont pas trouvé de place) aux ordres de se lever et de s’asseoir.

La métaphore obscène qui justifie le rite : « recevoir le corps de dieu en soi » ! Un programme non charnel, bien sûr. Les paroles du prêtre raisonnent ici, et légitime cette communion, avec une suite d’explications effarantes, et qui fonctionnent encore.

Le béni oui-oui excuserait tous les massacres, toutes les dérives passées… Toutes ces fois au nom d’un postulat de vie supérieure et, bien sûr, dieu innocent et les hommes coupables !

Pitrerie de l’esprit sans une once de distance avec les élucubrations assénées. Démonstration éclatante, sous couvert d’un message prétendu d’amour, d’un système manipulatoire où le confort de l’esprit consiste à pouvoir tout expliquer, tout justifier, alors que nous ne sommes qu’à l’âge primaire de la compréhension du monde. La fiction, voilà ce qui conduit tous ces systèmes rivaux. Et les antiennes enflent grâce au cadre matériel, et le grégarisme fait son œuvre.

Décidément, que ce soit dans ses manifestations ludiques ou vaguement spirituelles, l’humanité en bandes m’effraie. Rien ne pourra vraiment évoluer, au sens d’un changement d’ère humaine, tant que ces religions auront une place autre qu’une curiosité muséologique, à la manière des mythologies grecque et romaine.

La clochette du prêtre rythme le cirque eucharistique… Et cette assemblée en chœur, qui recèle toutes les trahisons, les coups fourrés, les médiocrités rampantes, les excuses vaseuses, représente toute la contradiction humaine, rarement capable d’assumer une ligne de conduite cohérente. Tout cela glisse, et la poussière, nullement divine, recouvrira l’ensemble de ces fariboles d’apparat.

A noter que ces lignes ont été largement inspirées par la coloration intégriste qui officie ici. Amen.