13 janvier 2007

La Vase ou le Mur

Au-delà d’un penchant naturel, mon métier nécessite le suivi attentif de l’actualité. La petite musique préélectorale française, où se multiplient les notes discordantes, semble rassurer sur la santé démocratique de notre pays, pour les partisans de ce système.

Ce qui navre, c’est l’absence sidérante du thème européen. Depuis le rejet grotesque du projet de traité constitutionnel, la démonstration de l’immaturité du prétendu « camp du Non » s’est ébrouée d’indigne façon : aucune union constructive n’a été accouchée de leurs gesticulations en fanfare, aucun interlocuteur crédible n’a pu porter leurs protestations scandées comme une première marche fondatrice d’une nouvelle Europe : rien, nada, nib !

Malheureusement, tout ce que j’avais écrit au moment de la campagne référendaire (cf. L'Europe en berne, publiée ici le 23 juin 2005), dénonçant l’illusoire union en cas de triomphe du Non, a pris corps dans la trajectoire de ces Fabius, Buffet, Besancenot, Laguiller… sans parler de la part qui revenait aux Le Pen, de Villiers, Dupont-Aignan et qui, d’entrée, ne pouvait être associée à l’élan salvateur claironné.


De quoi se compose-t-il aujourd’hui ce fumeux mouvement ? D’une bande de falots drilles incapables de s’accorder sur une personnalité unitaire aux élections présidentielles, condition minimale pour peser, un tant soit peu, aux législatives. Pitoyable résultat à l’image des arguments malhonnêtes enfournés dans l’esprit d’une majorité de citoyens. Amer ? Oui, je le suis d’avoir trop eu raison ! L’opportunisme en couches de ces nauséeux carriéristes a sali et embourbé la construction européenne.


A vingt-sept, engoncée dans des règles institutionnelles trop étriquées, l’UE va hoqueter pour tenter de faire bouger cette ingérable mosaïque. L’erreur première est d’avoir voulu mettre la charrue avant les bœufs : faire entrer douze nouveaux membres avant d’avoir instauré un cadre constitutionnel viable… un non-sens à la portée du premier candide en stratégie politique débarqué. Sans doute, les concepteurs de cette marche à suivre n’avaient-ils pas appréhendé la funeste inspiration de notre Président, puis des Pays-Bas, de consulter le peuple sur cette complexe question.


La France, initiatrice du projet par la voix de Giscard d’Estaing, a fait son caprice, mécontente d’une situation qui lui a garanti plus d’un demi siècle de paix et de développement socioéconomique. Aujourd’hui, aucun candidat à la présidentielle qui soutenait le Oui au traité (curieux, c’est parmi eux qu’on trouve ceux qui ont une chance d’être élu…) n’ose dire que le choix français a été une foncière erreur, que la majorité du peuple s’est fait berner par des agitateurs démagogiques, que la réalité des manettes pour gérer le pays se trouve à Bruxelles et non à Paris, que sans l’UE nous serions encore plus marginalisés sur la scène internationale… La construction européenne a disparu des discours médiatisés.


L’ère démocratique continue donc à nous gratifier des tours d’illusionnistes aspirant au pouvoir : promesses avec des caisses vides, belles lois sans décret d’application, politique étrangère hypocrite à l’égard des superpuissances émergentes faute de poids de l’Europe politique, tours de manège gratuits, destination la vase ou le mur. On végète dans nos illusions ou l’on s’écrase brusquement, à bout de souffle.


A moins que le providentiel revienne faire un tour dans nos contrées, à moins que l’électorat soit soudain saisi d’une lucidité constructive (encore faut-il que ce qui lui est présenté le lui permette).

L’onirisme maintient en vie, à défaut d’enthousiasme.

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