03 mai 2010

L’UE au piquet… (d’) exécution !

De sacrés veinards les évaluateurs cornaqués par Fitch Ratings, Moody’s ou Standard & Poor’s. Ce n’est pas de la mauvaise graine, du fumiste à l’occiput rasé de près qu’ils doivent noter. Ils laissent cette ingrate tâche, qui se densifie parfois d’une lame au cœur en représailles, aux enseignants reconvertis en garde-chiourme terrorisés.

Chez ces censeurs-là, on ne fait pas sous soi, non ! On fourre bien profond des nations en perdition. Alors comme ça, d’un coup, une obscure société privée peut faire chuter un pays – Etat et peuple pour le même abyme – simplement par le sordide panurgisme des investisseurs internationaux ! Ce monde se délite, pas de doute !

Avec le cancre de l’UE, celui qui se fait dorer près du soleil, qui n’a que le farniente rémunéré en tête, qui a même trafiqué ses résultats au début de la décennie quatre-vingt du Vingtième pour passer l’épreuve d’entrée, on a du je-m’en-fichiste de premier choix ! Alors on dégrade, hop ! Le comble ? C’est que le bonnet d’âne grec devra payer l’agence qui l’a mis au piquet. Une jouissance en deux temps.


De simples agences de notation pourraient ainsi mettre en pièce la zone la plus pacifiée du globe, après soixante ans d’ambition européenne, au risque d’exacerber les pires réflexes nationalistes des peuples. Et rien, pas l’ombre d’un poing sur la table ou dans la tronche des invisibles censeurs par les dirigeants, soi-disant solidaires, de l’UE.

Alors oui, laxisme grec, portugais et espagnol. Ces Etats dépensent trop. Selon ce critère, la France n’a pas à être épargnée. Dans quelques semaines, mois, années, les mêmes agences pourraient faire joujou avec le triple A de la France : la fin des largesses budgétaires sonnerait. Les investisseurs se détourneraient alors vers de plus juteuses zones et le déficit cumulé ne pourrait être comblé sans d’énormes sacrifices de la population.


Resterait l’Allemagne, et quelques satellites budgétairement exemplaires, pour revendiquer le label UE, telle une coquille vide de sens. Péril à venir pour une construction européenne qu’aucun n’a voulue politique. A ménager les intérêts de chacun, on en a sacrifié la viabilité globale ouvrant la voie aux charognards. On est arrivé à une complexité institutionnelle tournant à vide où chacun des membres n’a comme obsession que de préserver ses intérêts propres.

L’UE volerait alors en éclats pour un retour aux nations accolées pour la rivalité. Mesurera-t-on qu’à l’origine du cataclysme il y aura eu ces quelques sociétés qui auront émis une opinion engendrant un chaos immaîtrisable à court terme.


Faut dire qu’elles avaient une revanche à prendre. Rappelez-vous leur crasse incompétence lorsqu’il a fallu anticiper la gabegie Subprimes… Là, plus de raideur inflexible, mais une suspecte abstention. Aucune impartialité chez les bougres. Des traînées de merde bien puante, ils en charrient des kilos sous leurs godasses vernies. Alerter sur ces produits financiers pourris, c’était se flageller avant l’heure. Ces agences de notation financière globales ont participé, plus ou moins directement, à l’élaboration des modèles de titrisation des crédits hypothécaires à risque. Une culbute financière de plus avant d’aller tirer l’oreille d’Etats qui, eux-mêmes, ont dû, dans l’urgence, colmater le système au bord de la banqueroute explosive. Un tirage du lobe qui ressemble bien plus au supplice du pal pour Papandréou ! Perfides officines qui ont une vertu, par incidence : confirmer l’avancée du délabrement de la construction européenne.

Dimanche 9 mai 2010, vers dix-sept heures, j’aurai une pensée pour les inspirateurs de l’UE. Fêter Schuman, Monnet et leur aspiration commune à une terre européenne enfin pacifiée, oui, vingt-sept fois oui ! Les soixante ans de cet appel fondateur rappelleront à nos esprits en vrac tout le bien-exister qu’on leur doit… même si la belle bête initiale n’a plus de charme pour les peuples toujours enclin au réflexe accusatoire dès que la solidarité européenne leur coûte.

Un hommage mérité donc, mais pour une intention brisée ; un anniversaire en forme d’incantation d’un modèle moribond. Bien plus que le coup de férule de Standard & Poor’s à la Grèce, c’est la navrante tergiversation des membres de cet ensemble qui désespère. Piteux spectacle de dirigeants prêts à laisser tomber un des leurs. Là c’est le triple E pointé !

Faire entrer de nouveaux pays, ça on est doué : performant, glouton, on est, au point même que nos dirigeants d’alors ont ouvert la porte à douze nouveaux copains sans même avoir changé, AVANT, les règles du jeu. Tout confiants, exaltés par l’enthousiasme post 1989 et la volonté aveuglée d’un retour d’ex pays de l’Est dans le giron de l’Europe capitaliste. Inconséquents, concons comme leurs pieds nos dirigeants pour croire au même enthousiasme populaire sitôt les flonflons rangés et le sujet institutionnel à l’ordre du jour. Ah ! le Chirac, quand il en balançait une, l’autre se décrochait ! A force d’animer ses gonades avant d’écouter sa Raison, il a dézingué l’attelage européen.

J’étais pour le Oui à la feue Constitution, mais je n’allais sûrement pas contester la légitimité du débat, tout comme la légalité du refus dans les urnes. C’est la gigantesque connerie du Conseil européen dans le choix chronologique des objectifs qui est à stigmatiser.

Quelques années inutiles suite à cette gourde gestion du planning, puis l’espoir d’un nouvel élan avec le tout nouveau frétillant de l’Elysée. Traité de Lisbonne adopté au forceps, tellement simplifié qu’il en est évanescent à la pratique. Une tartufferie que la crise rend plus grinçante encore à chaque annonce d’une dégringolade économique, financière et aujourd’hui budgétaire.

Un exemple révélateur ? On devait mettre fin à la présidence tournante de six mois qui donne le tournis et n’a plus aucun sens à vingt-sept. Un président élu pour deux ans et demi devait être le visage stable et la voix forte de l’UE : lui apporter l’impulsion vitale. Qui peut croire que nos dirigeants souhaitent une véritable unité politique ? Ils ont foutu un personnage sans envergure, falot, un ectoplasme inaudible avec des manettes atrophiées et ont surtout conservé le système du pays membre qui donne le La pendant deux trimestres. Le prochain, c’est la Belgique, au bord de l’implosion-scission. Comme un signe…

Autant le dire : on nous a pris pour des cons et aucune réforme réelle n’a eu lieu. Adopter un texte sans modifier ses comportements, c’est se torcher avec ses engagements en se limitant à l’annonce médiatisée. Une pratique politique de plus en plus courante.

Jean Monnet
Alors il reste quoi ? La devise « Unis dans la diversité » ? Pierre Uri, conseiller économique et financier de Jean Monnet, l’inspirateur de la CECA, résumait dans un article du Monde, le 9 mai 1975, l’état d’esprit qui régnait au début de cette incroyable initiative : « les difficultés de chaque pays étaient considérées comme des difficultés communes à résoudre en commun. » Soixante ans plus tard, tragique régression : divisés par égoïsme à courte vue serait le triste résumé à placarder au fronton d’une UE complexe par ses instances, mais sans plus aucun souffle. Alors quoi, on laisse tomber la Grèce, puis le Portugal, puis l’Espagne, puis l’indigne Irlande ?

Pour Monnet et Schuman, le mal suprême, payé si cher en Europe, est « l’esprit de domination, qui avilit autant celui qui domine que celui qui est dominé. » On n’en est pas loin.

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