21 avril 2008

Le ramolli mois de "mais !"

La contestation, cru 2008, va tenter, vainement, de se hisser à la hauteur de son aînée quarantenaire. Non point qu’il faille, raisonnablement, trouver une quelconque filiation idéologique entre ces deux ires estudiantines, mais la comparaison instinctive s’imposera si l’ampleur des grognes printanières se dessine.

A ceux qui voulaient mettre à bas le système social des Trente Glorieuses, répondent aujourd’hui les adversaires de toute atteinte aux effectifs en charge de l’enseignement public. Pas d’envolées politico lyriques dans cette défense du statu quo : juste le souci de l’immobilisme, à défaut de pouvoir obtenir un plus-de-dépenses non assuré d’engendrer de meilleures performances.

« Rétablissement des postes supprimés et [de] ceux transformés en heures supplémentaires ; pas plus de 25 élèves par classe ; maintien du BEP et de la carte scolaire ; rétablissement des filières, options et classes supprimé[e]s ; embauche des personnels nécessaire[s] ; régularisation des élèves sans-papiers ; non application du rapport Pochard. » : voilà l’appel de la coordination nationale lycéenne. Pour contribuer à leur mouvement, utile au regard d’acquis déficients, je leur ai signalé, entre crochets, trois belles fautes dans leurs revendications. Juste pour rire…

Un Etat de droite contraint de saisir l’opportunité d’un départ massif à la retraite de la génération qui voulait changer le monde, pour tenter de dompter l’irrépressible abysse budgétaire. Les grognes sourcilleuses de la Commission européenne et le sens de la responsabilité politique l’imposent. Comment insuffler une austérité financière sans toucher aux effectifs pléthoriques de l’Education nationale ? L’initiative reste homéopathique – 11 200 postes non renouvelés sur 1 153 705 personnes (chiffre de 2005), soit 0,97 % de la masse salariale – et pourtant : le « pas touche ! » lycéen émerge et voudrait mettre à profit l’avant saison printanière pour enfler et s’offrir un joli (et bruyant) mois de mai.

Dates prises avec la sphère fonctionnaire pour défiler contre l’Etat politique, mais pour toujours plus de fonction publique d’Etat. Reste à dénicher le prétexte catalyseur : la malheureuse petite phrase désobligeante du ministre Darcos, la prestation intransigeante du Fillon de Matignon ou, délectable paroxysme à guetter, l’écart langagier d’un Elysée sarkozyé. Jubilation des immobilitionnaires, à coup sûr ! Les syndicats tenteront alors la jonction : contrairement aux indigestes pavés de leurs parents, les sages objectifs de la génération 08 peuvent s’accorder avec les à-coups syndicaux pour un ‘tit gain social. Contrepouvoir nécessaire qui ne sortira pas des codes de l’Etat de droit.

A cette sonore et mouvante mobilisation se grefferont les féroces nihilistes, les révolutionnaires en manque de soirs sanguinaires, les casseurs aux barbaries urbaines : la frange saprophyte qui surgit à chaque déambulation estudiantine pour prélever de force son dû, selon le modèle primaire de la consommation sans entraves, et détruire à tout va pour soulager ses poussées d’adrénaline. Souvenons-nous des fins de cortèges anti-CPE et de leurs déjections comportementales.

A l’ennui de la jeunesse soixante-huitarde, embarquée dans une frénétique reconstruction par des géniteurs tout en grisaille, obsédés par l’enfouissement des traumatismes de la Seconde Guerre, répond une envie diffuse des huitards du vingt-et-unième : pérenniser les avantages structurels établis par leurs parents et grands-parents, pour ne surtout pas hypothéquer leur chance d’attraper les petits bouts de gras offerts par une France pas encore tout à fait rance…

Quel grand écart, finalement, et même pas douloureux ! D’un côté, l’ardent désir d’ébranler les institutions et l’économie débridée, allant jusqu’à suggérer sur un mur de la vénérable Sorbonne : « Les avantages sociaux, c’est la mort ». De l’autre, la volonté de préserver, de garantir, de renforcer et d’agrandir un modèle branlant, mais rassurant. En somme, en quarante ans, nous voilà passés des arrhes d’une révolution avortée à l’art d’une dévolution sociale fissurée.

Se situer entre ces deux aspirations, cela semble plus facile pour « un qui balance entre deux âges », comme moi, pas encore né aux temps des barricades ensablées et plus au contact des pupitres depuis quelques lustres.

Une petite mise en garde à la génération lycéenne 2008, pour que ses desseins trouvent une voie politique ; je la puise dans les imaginatives prescriptions que le papy-boom avait inscrit dans ses vertes années, au cours d’un mai chahuteur : « Suppression du droit de vote avec la retraite » (Arcades, rue Corneille, Odéon). Sans quoi, aucune chance que la jeunesse actuelle, minoritaire dans la population française, puisse convaincre les dirigeants de l’exécutif d’aller à l’encontre du mastodonte soixante-huitard à l’aube de la quille.

« Il n’y aura plus désormais que deux catégories d’hommes : les veaux et les révolutionnaires. En cas de mariage, ça fera des réveaulutionnaires » : boutade relevée sur le mur de l’Education surveillée.

11 commentaires:

Sabine a dit…

bonjour !
ton article est intéressant. Je note juste au passage que les soixante-huitards en ont bien profité.....et je pense que si j'avais vécu à cette époque j'aurais fait de même. Cependant, les jeunes de 2008 n'ont pas eu la chance de nos aînés...ils n'ont connu que le chômage, le sida, la politique corrompue et la sinistrose........pas très peace and love tout ça....aussi je les comprends de vouloir assurer le peu qu'il reste..........!!!! car sinon que leur restera-t-il ???

Loïc Decrauze a dit…

Merci pour ta remarque, mais pour la résumer : chacun pour soi et que le plus vorace gagne !

Anonyme a dit…

je viens de lire votre article, et je suis choqué, dégouté. je fais parti de la "frange saprophyte" et ho surprise, je sais lire, et même ecrire,j'ai mon bac et un metier. mais puisque vous fustiger la jeunesse, permettez moi de vous parler de mon avenir: vous , nos respectés ainés, vous nous laissez en héritage une terre empoisonnée, ou les inégalités deviennent si grande que certains homme en france gagne plus en un mois que d'autres dans toute leur vies, ou on peut laisser mourir de faim de milliers de gens pour ne pas contrarier l'équilibre économique... j'en passe et des meilleures. Après ca, sur de votre science et de votre supériorité, vous venez gentiment nous dire que nous sommes stupide et que nous devrions nous taire.
permettez moi, monsieur, de vous dire merde.

Loïc Decrauze a dit…

Vous affirmez savoir lire, je n'en doute pas, mais probablement pas assez attentivement : l'expression "frange saprophyte" ne désigne pas, dans mon article, cette jeunesse dont vous vous prétendez le porte-parole, mais ceux qui profitent des mouvements d'une partie de cette jeunesse pour se laisser à la délinquance violente, notamment contre ceux qui défilent (souvenez-vous de la place de la Concorde).
A moins que j'ai mal compris votre message et que vous vouliez revendiquer ici vos actions de "casseur-agresseur". Dans ce cas, je vous emmerde sans retenue par retour !
Quant à votre couplet générationnel sur les injustices laissées par les méchants "aînés", je ne suis malheureusement pas sûr que votre génération fasse mieux pour celle qui suivra... Rendez-vous en 2050 !

Anonyme a dit…

Pemettez moi de constater que vos amis bobos contestataires sont tous partis en vacances !

Comme quoi,c'est un peu hypocrite de voir des gens manifester alors qu'ils ont un pouvoir d'achat pour partir en vacances !
Dites merci à Nicolas Sarkozy

Loïc Decrauze a dit…

Mes amis bobos ? vous avez vu, lu ça où ? Sachez à qui vous vous adressez avant de lancer une telle ânerie !

bb a dit…

Bonsoir Lo,

Je ne comprends pas bien le sens de ton article.
Je n'ai pas compris si tu critiques cette jeunesse d'aujourd'hui, qui rame?
Si oui :
L'héritage est lourd.
La génération 70 (pour moi) a brisé nos vies. Ils ont critiqué leurs parents tout en profitant d'eux. Puis très bien vécu en ne respectant rien et personnes. Puis ils sont maintenant de vieux riches pour la plupart, après avoir totalement négligé leurs enfants et le futur de leurs progénitures. Ils ont tout pris, tout eu, tout consommé ! Il ne reste plus rien Lo !
Qu'ont-ils fait passer ? Des valeurs ? Non !
Ils ont laissé : Maladies, pollutions, égoïsmes, plus de respect de rien, plus de valeurs, l'amour porno/mal fait, l'individualisme à outrance, la peur de la vraie différence, la peur du vieux/ Hop ! A la poubelle, la surconsommation, le faut confort, le béton, le goudron, le plastique moche qui coute tant d'euros à détruire maintenant, la vraie et grande pauvreté, beaucoup de personnes dans la détresse, la vraie détresse! La solitude...
Je ne dis pas du tout merci à cette génération. Elle a profité en trouvant un prétexte de "liberté" pour réaliser tout ce qu'elle n’aurait pas osé faire froidement, car avec le recul c’est un comportement meurtrier !
La jeunesse actuelle peut-elle vraiment maintenant être autre chose que ce qu’elle est ?
C’est si difficile d’avoir 20 en 2008 !
Bon Dieu ! Ce n'est pas un cadeau ! Ils devront être bien fort tous ces petits Là !
Je t’embrasse.

Loïc Decrauze a dit…

Bien vu tout cela... l'objet premier de mon article était de souligner l'extrême différence d'approche de la société entre ces deux générations, mais aussi une certaine frilosité de celle de 2008 qui, certes, est victime des abus de sa gloutonne aînée, mais n'admet aucune réforme réaliste de l'éducation nationale...

bb a dit…

C'est parce que ça leur est mal expliqué. Ils ont peur ! Nous sommes dans une époque de survie... Sur le lot beaucoup seront des hommes et femmes formidables et feront des bébés "rebâtisseurs" ! Il faut croire en l'être humain Lo ! Fais des enfants avec une tête bien faite, aimes les et confie leur ton monde avant de partir et de leurs laisser ta place.
Bonne journée et merci pour avoir répondu.
Bisous.

Loïc Decrauze a dit…

Bien sûr, c'est toujours la faute des autres, des dirigeants, des adultes... Je trouve un peu trop facile ce parti-pris. Moi, lorsque j'étais lycéen, il y avait la grogne lycéenne contre la réforme Devaque. Une bonne part des lycéens n'avait rien à foutre du contenu de la réforme (il leur suffisait d'ouvrir un journal pour avoir le contenu expliqué, justement !): ce qui leur importait c'était de faire sauter quelques cours... Je l'ai vécu de l'intérieur, je peux donc en parler : c'est ce qui m'a définitivement vacciné contre la participation à tout mouvement collectif, type grève.

Quant à l'époque de survie, c'est un peu en contradiction avec la tendance, y compris des jeunes, à la surconsommation : jeux vidéos, mp3, plasma, dvd, etc... Les jeunes de France sont très largement mieux lotis que la très grande majorité des jeunes sur la planète, et cela depuis nombre de décennies...

Enfin, notre approche de l'humanité n'a strictement rien de conciliable : je ne crois pas en l'humanité, représentation conceptuelle vide de sens et que toute l'histoire des massacres, des cycles sanguinaires, des atrocités démultipliées vient salement nourrir depuis ses débuts. Je crois en certaines individualités, après fréquentation, mais nullement en l'être a priori. En cela je me sens très proche de Léautaud. Sans doute cela explique-t-il qu'il n'ait jamais fait d'enfant.

bb a dit…

Je n'ai pas du tout ta vision du monde Lo ! Mais bon, grande soeur va fermer sa petite bouche. Douce vie à toi et bisous... Ma conclusion : l'amour des autres avant tout !