13 février 2014

Paroles d'enterrement...

Ça commence par un gros coup de massue qui éclate ses certitudes. Neuf années de bons et loyaux services et, au cœur de l’été, la perspective de perdre son emploi. Pas chez un mastodonte économique, avec la possible résonance médiatique, mais dans une micro structure qui condamne son cas à l’anonymat : situation la plus courante, celle des invisibles.

Me voilà demandeur d’emploi. Premier réflexe, pour se donner la posture de celui qui garde le moral et cultive l’initiative : aller au-delà de l’étroit espace personnel du troisième Pôle, le moins géographique. La quotidienneté du chercheur – et pas simple demandeur – d’emploi, c’est d’abord la découverte des offres sélectionnées selon son profil pris de côté bien sûr, mais aussi de face, de dos voire de travers ! Quelques centaines consultées plus tard : pas une seule permettant de postuler sérieusement. Premier signe économique d’une marginalisation en marche ?

Surtout, rester en dynamique, quitte à patauger dans l’illusoire. Un mal me guette : l’égyptonite aigue qui consiste à multiplier ses profils numériques. Les Linked in, Viadeo et autre plates-formes tellement virtuelles qu’elles finissent par souligner votre réelle inexistence, mais tout est bien rempli, complété, illustré : les petits cailloux pour venir jusqu’à moi sont en place.
Hors de question d’en rester là. Plus de vingt-cinq ans d’écriture, ça compte un peu quand même, non ?! Certes, mes pleins et mes déliés n’ont que très peu transité par le canal éditorial classique, mais à l’ère d’Internet, quelle importance ? Alors oui, j’envoie mon lot hebdomadaire de candidatures spontanées que j’espère néanmoins séduisantes, mais je dois tenter autre chose, en parallèle.

L’idée émerge, comme une évidence : la prestation poético-littéraire haut de gamme. Le slogan aussi : l’époque est assez folle pour offrir un présent singulier. Le constat : la crise rabâchée n’a pas fait disparaître les occasions festives, au contraire elle en souligne leur vertu euphorisante. Fête, mariage, anniversaire, hommage ont en commun l’acte d’affection potentiel : concevoir des paroles qui incarneront cet élan de sentiments. Faire en sorte qu’elles se fondent dans un air choisi pour l’émotion procurée, c’est le défi créatif passionnant.

Alors actions, tous azimuts : un site mettant en scène des exemples variés et émouvants, un livret synthétisant le projet, une escadrille de courriels pour référencement et partenariat, un service de presse avec courrier accrocheur, des relances téléphoniques à faire fondre son smartphone, le démarchage de centaines de boutiques pour la mise à disposition d’une brochure explicative… Un trimestre d’engagement forcené et… RIEN, pas une demande d’information ! Le néant gagne, ronge.

Le désintérêt de la presse dépite. Le parcours littéraire évoqué pouvait intriguer un chouia : un diariste pamphlétaire repenti. Après deux décennies de grognes incendiaires, la prise de conscience de l’obscénité scripturale à poursuivre ces fulminations dans une quarantaine bien entamée et la volonté de faire coïncider l’amour des mots, de la formule percutante avec la sphère affective. Révolution individuelle qui laisse de marbre les journalistes approchés.

Me voilà sur la berge, le projet en bandoulière, sans un écho, sans une avancée, prêt au sable mouvant… Garde à soi ! Rompez l’errant !
Seule réaction enthousiaste sur le site AgoraVox



1 commentaire:

dan decrauze a dit…

Ton texte et ton projet aussi difficile soit-il t'honore mon cher frère mais je trouve que ton titre devrait plutôt être : "paroles de vie" car ton combat et ton choix est celui de la vie !! c'est le plus difficile.. Je partage avec toi ce combat tout les jours. Bisous. Dan