26 mars 2010

Guillon pique, Besson trépigne !

Raciste, Guillon ? Besson ne pouvait viser plus mal. La férocité guilonnesque a cette générosité de carboniser sans s’effaroucher de l’origine politique, physique ou philosophique des proies. Un parangon d’altruisme pamphlétaire.

Rappelons-nous la fougue qui l’animait lorsqu’il croquait la libidineuse frénésie du ponte Strauss-Kahn. En quoi la coloration rose-socialo du FMIste Premier aurait-elle dû retenir les jets vitriolés de l’intraitable humoriste ? Pas de privilège qui tienne… Avant tout souligner les sordides travers des apparatchiks de notre temps, à quelque chapelle qu’ils appartiennent.

A découvrir la mine déconfite du Besson, pétri d’une hargne revancharde, haineuse et comminatoire, on peut être rassuré qu’il ne soit pas ministre d’un exécutif totalement liberticide. Lorsqu’il somme Nicolas Demorand de bien prendre conscience de ce qu’implique l’appartenance à une radio de service public (« Vous devriez y réfléchir… »), on entend le « Je m’en souviendrai » d’un Le Pen déchaîné contre un représentant de l’ordre qui l’empêche de tenir son meeting.

Que sous-entend le sinistre Besson ? Qu’il faudrait passer au poteau les membres de cette famille du service public qui osent s’en prendre aux serviteurs de l’Etat ? Le menton fuyant, selon Guillon, je dirais même veule : la tronche d’un très ordinaire exécuteur public.

Besson trépigne, Hees s’incline : une contrition qui éloigne un peu plus le PDG de France Inter de ses idéaux premiers… comme un renoncement sous la pression économico-carriériste. Le comble : ces excuses portent sur le recours à la critique physique alors que l’essentiel de la chronique du libelliste portait sur le fond.

Par ailleurs, depuis quand n’a-t-on plus le droit de portraiturer nos politiques ? Ce qui se fait par le trait du dessin (ô merci les Plantu et toute la troupe des Animaux qui nous gouvernent) ne saurait s’admettre dans la tradition orale, d’autant plus lorsqu’elle passe par les voies du sacro-saint service public. Piteuse déférence d’un autre temps.

Besson attendra les colonnes du Parisien pour s’adonner à ce qu’il venait de fustiger, le talent humoristique en moins. Cela a eu le mérite de calmer pour un temps le puant rond-de-cuir ministériel. Le bougre voudrait bien croiser physiquement le chevelu Guillon pour échanger : verbe haut et interrogatoire musclé, sans doute.

Le Pen : "Je m'en souviendrai..."
Le torve Besson a été nommé à un poste pour remplir des fonctions précises, pas pour intimider une voix indispensable au contre pouvoir et à la liberté d’expression. Interférer ainsi dans le programme phare d’un média sous le prétexte de fumeuses exigences d’un service public, c’est nier la vocation même d’une radio qui se doit de défendre, y compris contre le pouvoir en place et par définition provisoire, le pluralisme dans ses rangs.

Qu’il tempête, tant qu’il veut, mais qu’il ne se risque pas à entraver les précieuses poussées des polémistes lorsqu’elles défrisent sa roide posture, car il risque d’attirer de bien plus prégnantes attaques qui, elles, ne s’encombreront pas de l’esprit en verve.

14 mars 2010

Ferrat, un doux tonitruant

Oublions les antagonismes idéologiques pour saluer la puissance évocatrice de ses mélodies imprégnantes, de ses paroles ciselées pour une voix de montagne en velours chaleureux... Qu'il retrouve le Panthéon des géants sacrés de la chanson française. A vous les Brassens, les Brel, les Ferré, les Ferrat...

Sa mort me rappelle qu'à la fin des années quatre-vingts, lorsque des non camarades de classe pensaient à la pure distraction, je me laissais aller à l'écriture de paroles antimilitaristes sur l'air de La femme est l'avenir de l'homme, bien dans la tonalité du doux tonitruant :

Le temps aura perdu raison,
Il n'y aura plus d'horizon,
Et l'homme aura perdu sa mome.
Pour le jour où tous nous crèv'rons,
Je déclare à ces fieffés cons,
La bombe est le reflet d'votre mort.

Tout commenc'ra avec deux mots,
Et finira dans un monceau
De chairs, toutes indescriptibles.
Aujourd'hui les peuples s'apitoient
Certains se jettent de leur toit
D'autres se cachent sous leur bible.

Le temps aura perdu raison,
Il n'y aura plus aucun fond,
Le trognon d'Eve, seul sur le sol,
Rappel'ra la trace de ces pions
A qui je déclare sans passion :
La bombe est le reflet d'votre mort.

Pour arriver à ces souffrances
Où l'on n'peut mourir qu'en silence
Il a fallu de nombreuses guerres.
Et nous quitt'rons notre jeune âge
Juste pour apaiser leur rage
Qui a détruit notre vieille Terre.

Le temps aura perdu raison,
Il n'y aura plus d'floraison.
Les mères, tachées de sang, sanglotent
Devant tous ces corps sans galon
A qui je rappelle ma vision :
La bombe est le reflet d'votre mort.

Quand se perdra le dernier cri,
Que l'dernier corps sera raidi,
Quand tout remords s'ra impossible,
Je maudirai toutes ces armées,
Je cracherai sur ces gradés
Qui devraient tous être à l'asile.

Le temps a bien perdu raison,
Et il n'y a plus d'horizon,
L'homme a assassiné sa mome.
Pour ce jour où tous nous crevons,
Je dis à ces soldats, ces cons,
La bombe est le reflet d'Notre mort.