10 octobre 2014

L’anonymat à pleine gorge… tranchée !

Quelle perception du monde immédiat aurait l’anonyme moyen coupé de toute actualité hors de son champ de vie ? Sans doute serait-elle à des années-lumière des trépidations tourmentées de la focale médiatique. L’existence sereine, évidemment répétitive, n’a aucune similitude avec cette agitation concentrée. Accorder trop de place à ce compte rendu permanent revient à garder le nez sur un microscope qui résumerait la vie aux mouvements moléculaires avec chaos apparent parce que surexposés et grossis.

De la même façon, le défoulement des commentaires odieux sur Internet vient contraster avec l’habituelle retenue de leurs auteurs dans la vie réelle. Le moindre fait qui trouve un écho sur Big Media déclenche aussitôt une flopée d’interventions que leurs auteurs n’assumeraient pas s’ils devaient les prononcer physiquement en public. En cela, nous sommes au-delà des simples emportements de comptoir. Il s’agit, par l’anonymat et l’espace virtuel, de ne rien contenir de sa facette outrancière. La virulence clandestine devient la règle et dévoie les échanges sociaux. Avant, cela oscillait entre le for intérieur et le cercle des proches. Désormais, chacun peut publiquement s’improviser petit pamphlétaire sous pseudonyme. Le débat s’en trouve d’autant perverti, se colorant chaque fois de ces excès sans visage.

Le recours au pseudonyme encourage les vociférations du hargneux planqué derrière la toile. Se promener sous les articles du jour, avec leurs dizaines de commentaires, donne l’ampleur de la pratique. Peut-être 1% de signatures correspondant à des personnes identifiables. Internet devient une gigantesque boite crânienne collective dans laquelle chacun peut découvrir la part jusqu’alors inavouable des pensées des autres : transparence des flots orduriers, opacité des sources. Une glasnost psychologique nullement révélatrice d’une détérioration de ce qui est pensé : simple obscénité technique de la publication immédiate sans l’once d’une démarche artistique, sans le début d’une revendication courageuse.

Autrement plus dramatique, la mise à mort motivée par la mise en ligne terrorisante. Si les barbares intégristes dégouttent d’obscurantisme dans leur conception du monde, ils maîtrisent parfaitement les moyens modernes de communication. Là, c’est à qui usera le plus de cette fabuleuse caisse de résonance. Les opérateurs de cet Internet, au premier rang desquels Google, pourraient-ils aider à lutter contre ces égorgeurs ? Ethique minimale et technique ne peuvent-ils, pour une fois, se combiner ? Les malheureux égorgés n’émeuvent-ils pas plus les propriétaires des supports télématiques que les traders qui achètent le pétrole à Daech pour maximaliser leurs culbutes financières ? L’argent n’a, paraît-il, pas d’odeur, mais l’or noir et les cadavres si, une très forte qui devraient longtemps empuantir les narines des complices par abstention.


La liberté à tout prix ? Quitte à laisser prospérer et parader ces assassins en bandes très organisées ? Autant la liberté d’expression est un principe quasiment sans bornes, au contraire de ce que voudraient nombre de religieux, autant la liberté de colporter ses crimes doit être neutralisée. Un éditeur ouvrirait-il son catalogue à Michel Fourniret, Guy Georges ou Francis Heaulme pour qu’il raconte en détail ses assassinats en série ? Pas encore, en tout cas… Alors pourquoi Internet, dont chaque parcelle virtuelle est la propriété d’une personne physique ou morale, ne peut-il imposer un encadrement ? Je connais la réponse : pas de frontières possibles… Si, celles du globe : une autorité mondiale avec des moyens technico-militaires réels s’imposera peut-être lorsque nous verrons grandir dangereusement la part de leur territoire, au point de grignoter les nôtres… En attendant, il nous faut assister (ou pas, mais ça ne changera rien) aux parades mortifères avec leurs sacrifices d’un autre âge. Les archaïques caverneux en réseau immatériel : pas le moindre des paradoxes…